L’urgence climatique est plus que jamais un problème public

Alors que les pompiers peinent à maîtriser les incendies dans le Var, le rapport publié par le GIEC le 9 août a annoncé que des incendies de cette envergure devraient devenir monnaie courante. En fait, ce type de rapports participe à la construction du réchauffement climatique comme un problème public.

La construction des problèmes publics selon Harold Lasswell

La construction des problèmes publics, qu’est-ce que c’est ? Selon le politiste Harold Lasswell, la construction des problèmes publics comprend plusieurs étapes. La première correspond à la mobilisation d’acteurs qui souhaitent défendre un problème social. Ces derniers cherchent à exercer une pression sur l’État en montrant le caractère problématique de celui-ci. Afin que ce problème social devienne un problème public, les acteurs cherchent à le médiatiser.

Dans un deuxième temps, cette médiatisation doit permettre d’attirer l’attention sur le problème social défendu par les acteurs. Ainsi, l’État a plus de chances de classer ce problème social parmi l’ensemble des problèmes sociaux qu’il souhaite traiter et régler. C’est cet ensemble qui représente l’agenda de l’État.

Après, l’État met ce problème social à son agenda lorsqu’il le sélectionne parmi une kyrielle d’autres problèmes sociaux.

Ensuite, l’État cherche à trouver la solution la plus adaptée au problème social mis à l’agenda. Lorsque l’État trouve une solution convenable, il l’applique à travers des lois. Enfin, l’État peut éventuellement mesurer l’efficacité de ces lois en commandant des rapports.

L’urgence climatique déjà mise à l’agenda politique

Dans le cadre de l’urgence climatique, cette mise à l’agenda effectuée à la fin du XXe siècle ne cesse d’être renouvelée depuis. En France, la dernière manifestation de cette mise à l’agenda est la loi climat car elle représente la solution la plus adaptée que le gouvernement a trouvé afin de lutter contre le réchauffement climatique.

Ainsi, le rapport du GIEC s’inscrit dans la construction du réchauffement climatique en tant que problème public en réaffirmant les dangers de celui-ci. Par conséquent, l’indignation de la classe politique sur les réseaux sociaux laisse penser que de nouvelles mesures devraient être mises à l’agenda lors de la COP26 à Glasgow.

Le rapport du GIEC est sans appel. À nouveau. Le temps de l’indignation est derrière nous.
Accord de Paris, neutralité carbone au niveau européen, loi climat… La France restera du côté de ceux qui agissent. En novembre, à Glasgow, scellons un accord à la hauteur de l’urgence!

— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 9, 2021

Malgré cette indignation, les militants pensent que la classe politique ne s’investit pas assez dans la lutte contre le réchauffement climatique. Dans son interview pour Vogue Scandinavia, Greta Thunberg affirme que la crise sanitaire montre que la classe politique pourrait agir davantage en termes de protection de l’environnement. Selon elle, l’urgence climatique aurait dû bénéficier des moyens colossaux déployés pendant la crise du coronavirus

Greta Thunberg a de nouveau dénoncé le manque d’action face à l’urgence climatique lors d’une interview pour Vogue Scandinavia (Photo: Andy Bosselman)

Une mise à l’agenda qui peut régler l’urgence ?

Selon les travaux de Harold Lasswell, la mise en agenda doit permettre de régler les problèmes publics. Est-ce que cela peut être le cas pour l’urgence climatique ?

D’une part, des pays ne sont pas encore prêts à sacrifier leur économie au détriment des règles environnementales. De fait, Jair Bolsonaro affirmait lors du G20 de novembre 2020 qu’une réforme agricole avait préservé l’environnement brésilien.

De même, le Bangladesh ouvre ses usines de textile sous la pression des exploitants alors qu’il a décrété un confinement pour lutter contre l’épidémie . Ceci prouve que l’économie de certains pays compte encore sur des industries polluantes.

A lire: Les derniers chiffres du GIEC sur le réchauffement climatique sont très inquiétants

D’autre part, les habitudes de consommation ont grandement évolué au cours des confinements successifs. De fait, les Français ont consommé plus de produits locaux et issus de l’agriculture biologique. Ceci peut permettre de minimiser leur empreinte carbone. De même, la mise en avant des effets néfastes de certains moyens de transport a encouragé l’essor des voyages verts. Par exemple, The Independent a mis en avant la tendance des voyages de proximité au Royaume-Uni.

Néanmoins, ces habitudes de consommation sont-elles temporaires ? Selon Olga Untilov, professeure assistante marketing à Audencia Business School, l’effet de halo explique que les Français achètent davantage de produits sains pendant la crise . En effet, les Français pensent que les produits sains sont bons pour la planète. Donc il faudrait craindre une éventuelle baisse de ces achats lorsque la préoccupation des Français pour leur santé sera moindre.

De plus, certains grands émetteurs de CO2 semblent être prêts à faire des efforts. En effet, la Chine semble être prête à respecter ses engagements climatiques de la COP 21 malgré la crise sanitaire. Enfin, la Chine est pour une coopération avec les États-Unis pour le climat à condition de la bonne tenue de leurs relations bilatérales.

L’humanité peut encore trouver la solution adaptée.

Ludivine Dewulf